La viabilité d’un projet musical ou comment faire pour que ça marche ?

“Non… non… oh noooon…” ça, c’est ton cerveau qui ne veut pas voir la réalité en face.

Oui, sortir ton EP, réaliser un clip de lancement, organiser une release party, etc. Tout ça, c’est un projet. Avec un début et une fin. Et autant faire que la finalité soit réussie !

As-tu mis les bonnes cartes entre tes mains pour réussir ton projet musical ? As-tu prévu suffisamment de temps ? Tes échéances sont-elles réalistes ? As-tu les ressources pour réaliser ton projet musical et atteindre ton objectif ?

“Objectif ? Tiens, tiens…” Bon si tu te demandes quel est ton objectif, alors je ne peux que te recommander de continuer ta lecture !

Chez Confliktarts, on voit pas mal de groupe pris à la gorge pour la sortie de leur EP, car disons-le franchement : ils arrivent sur notre page de commande un tantinet en retard par rapport à la date de release party qu’ils ont déjà annoncée sur leurs réseaux sociaux. Délai de fabrication, une erreur dans les fichiers audios, dans les gabarits, un retard de livraison, et c’est le drame.

Alors on a posé la question, pour toi et ton projet musical, à Cédric de l’Atelier, puisque il reçoit de nombreux groupes et artistes solos à des périodes charnières où leur projet n’avance pas (plus) et bien souvent, il n’est question “que” d’organisation...

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Cédric, pourquoi parle-t-on de “projet musical” ? Je fais de la musique, pas du business.

On parle de “projet musical” car c’est une entreprise au sens propre.

On entreprend quelque chose (créer une oeuvre, organiser un concert, réaliser et sortir un clip) et on met en oeuvre un nombre d’actions pour que cela aboutisse.

On parle d’un projet au sens large, c’est-à-dire : se projeter, entreprendre. Comme on le ferait pour construire sa maison par exemple. Avant de commencer le chantier, on doit se préparer, penser à tout, faire des devis et calculer les dépenses en fonction de ses revenus, etc. Parce qu’on veut que ce projet se réalise, on veut habiter dans cette maison. Il y a donc une partie théorique (on planifie, on calcule, on réfléchit) et une partie “pratique” (la réalisation, nos actions).

Et pour passer à la concrétisation de ce projet, on a besoin de fonds. Zéro budget = zéro projet.

Zéro budget = zéro projet.

Ces fonds vont nous permettre notamment de déjouer les contraintes : “je suis auteur-compositeur-interprète, mais je n’ai aucune connaissance en graphisme pour faire la pochette de mon EP. Je vais donc avoir besoin d’un graphiste professionnel et de le rémunérer, car je veux un travail de qualité.

Quelles seraient les étapes clés pour bien gérer mon projet musical ?

J’ai des artistes qui viennent avec comme seul projet de sortir un single et basta. C’est possible. Mais prenons un exemple plus complet : la sortie d’un EP. On va redire un peu ce que j’évoquais déjà dans ma précédente interview sur La direction artistique d’un album.

Si ton projet est de sortir un EP, tu as 4 étapes :

  1. l’audio (songwriting, enregistrement, arrangements, mix, mastering), puis tout ce qu’il y autour :
  2. l’image (graphisme, shooting photo, réalisation de la pochette CD)
  3. la vidéo (réalisation d’un clip de lancement)
  4. la diffusion/promotion (pressage du CD, mise en ligne et distribution digitale, relations presse et blogueurs, diffusion aux programmateurs et aux radios, animation des réseaux sociaux)

Quelles sont les questions à me poser avant de lancer mon projet musical ?

En amont, il y a effectivement les ressources et les moyens financiers. C’est en fait la 1ère question à se poser, bien avant les 4 étapes que je viens de mentionner. Et pour commencer à faire les comptes, il faut donc te poser un certains nombre de questions. Car chaque dépense doit être pertinente avec ce que tu veux vraiment faire, je dirais même, ce que tu PEUX faire. Par exemple :

  • Est-ce que j’ai vraiment envie de ce projet ? Beaucoup d’artistes se lancent dans un projet avec beaucoup d’ambition parce qu’ils ont un talent, mais au fond d’eux n’ont pas plus que ça envie de vivre de la musique.
  • Est-ce un plan A ou un plan B ou un plan C ? Ai-je vraiment envie de me lancer dans un projet professionnel ou de rester dans un projet amateur, loisir et simplement de profiter ? Sachant qu’aucun choix n’est “honteux” ou moins bien qu’un autre, il faut simplement être sincère avec soi-même.
  • Quelle durée je me donne pour tenter de réussir ce projet ?
  • De quel temps je dispose pour me consacrer au projet (je bosse à temps partiel, je bosse juste les week-ends, etc.) ? Suis-je seul(e) pour tout faire ?
  • Est-ce que tout cça est réaliste par rapport à ma vie en général ? (j’ai des factures à payer tous les mois, j’ai des économies ou pas, j’ai une bonne santée, etc.)

L’idée en fait, c’est d’avoir toujours un coup d’avance pour ne pas être pris par surprise au moindre imprévu ou à la moindre difficulté.

Pourquoi parler de viabilité dans un monde où il est avant tout question de créativité, d’expression artistique ?

C’est un faux débat. Sortir une oeuvre artistique, organiser un concert, une tournée ou sortir un opus, c’est et ça restera un projet avec du temps et de l’argent. Il y réellement un modèle économique dans la filière musicale. Le personnel des labels et maisons de disque ou encore le graphiste qui travaille sur la pochette de ton album, ce sont des personnes qui travaillent en échange d’un salaire.

Il faut forcément avoir de l’argent, ou alors quelque chose à échanger, pour rémunérer le graphiste qui bosse sur la pochette de ton album.

Il faut forcément avoir de l’argent, ou alors quelque chose à échanger, pour rémunérer le graphiste qui bosse sur la pochette de ton album.

Il n’y a qu’en musique qu’on se pose la question. C’est pourtant un aspect d’autant plus important que c’est un milieu où il n’y a pas de règles et qui est trop souvent associé au loisir.

Comment savoir si mon projet est viable ? Ou plutôt comment savoir quand mon projet n’est pas viable ? Comment l’évaluer ?

C’est très simple. Ton projet n’est pas viable dès l’instant où tu lui accordes zéro budget.

Si tu dépends de trop de gens et que tu n’as pas de moyens financiers, à moins d'être auteur-compositeur-interprète-graphiste-vidéaste-attaché de presse-journaliste-etc.

Et plus tu es dépendant de prestataires, moins ton projet va être facile à développer (attention, je n’ai pas dit impossible hein).

C’est souvent le cas des artistes interprètes, qui ont, malgré leur talent, assez peu de cordes à leur arc pour faire avancer les choses. Plus t’es doué en terme de création, moins t’as besoin que ton équipe soit grande. Mais c’est aussi le cas des groupes qui font des lives avec 6, 7, 10, 15 personnes sur leurs premières scènes. Si pour chaque date il faut payer 10 musiciens, la note est trop salée pour un groupe sans notoriété.

Un autre indicateur de la viabilité de ton projet c’est si tu perds beaucoup plus d'argent que tu n’en gagnes. Payer 5000 euros pour un clip alors que tu es inconnu au bataillon, c’est un risque à prendre, certes, mais il y a fort à parier que la plupart des groupes dans cette démarche obtiennent bien peu de retombées par rapport à l'investissement réalisé.

On peut aussi évaluer les retours concrets de son entourage et des professionnels. As-tu des compliments ou des critiques constructives en retour des personnes avec qui tu échanges ?

Enfin, on estime une durée de 3 à 5 ans pour qu’un projet ait le temps d’émerger et de fructifier. Au-delà, si tu n’as pas de tourneur, pas de partenaire, pas d’éditeur, il te faudra envisager de passer à autre chose (c’est d’ailleurs la durée d’une contrat d’édition classiquestandard).

Mais que faire alors si ça ne marche pas ?

Il n’y a pas dix chemins.

Soit tu arrêtes complètement et c’est la libération. Comprendre : la fin des galères et de la loose, et ce n’est pas la fin du monde, crois-moi, ça peut même être le début d’une nouvelle (chouette) vie.

Soit tu changes totalement de projet avec une nouvelle identité artistique et une nouvelle formule. Par exemple, on voit des artistes indés décoller dès lors qu’ils se sont mis à abandonner l’anglais (en France) et à chanter en français. Mais si tu choisis la deuxième voie, pense à bien planifier ta direction artistique et ton projet.

Quelles sont les principales erreurs que commettent les groupes autoproduits dans la gestion de leur projet ?

  • L’empressement, la précipitation et le manque de réflexion globale sur le projet avec cette fausse idée que faire une oeuvre coûte zéro euros.
  • Le manque de budgétisation avec des objectifs réalistes. Il n’y a pas de budget minimum, pas de maximum. Par exemple, un groupe que j’ai reçu en séance de coaching a eu l’idée de faire un emprunt à taux zéro à un membre de sa famille pour financer son projet. Pour moi, LA solution reste tout de même le crowdfunding ou financement participatif (en français dans le texte). Au-delà de faire appel à la générosité des gens, c’est avant tout un moment privilégié  pour la prévente et la promotion de son projet, je recommande vivement !
  • Le manque de prévision et de rétroplanning. S’il faut avoir un coup d’avance, alors il faut intégrer une marge d’erreur, prévoir plus large que ce qu’on aimerait et prendre sur soi l’envie pressante de sortir son EP ou son clip.

D’ailleurs, quelles sont les périodes clés pour la sortie d’un EP par exemple ?

Pour les groupes indés, il y a 2 périodes de sortie idéales pour un EP : le printemps et l’automne.

L’été et les fêtes de fin d’année, c’est toujours risqué : les gens sont déconnectés ou bien ils font leurs achats de Noël. Et puis c’est surtout LA période de sortie pour les “vedettes” !

Et si on rate sa sortie au printemps, ce n’est pas grave de décaler de 6 mois.

Personne ne vous attend. Pour les gens qui ne vous connaissent pas ou peu, ça ne change rien du tout. Il vaut mieux prendre le temps de leur proposer quelque chose de plus abouti.

De façon générale, on observe en moyenne un décalage d’un an entre la finalisation d’un EP et la fin de la promotion de l’EP. Donc il se passe un certain temps avant que les choses se concrétisent.

Pour conclure, quelle est le principal conseil à retenir pour un artiste ou un groupe qui souhaite se lancer ?

Planification + rétroplanning + budget + unicité (direction artistique).

Ce sont les 4 ingrédients pour te permettre de ne pas être un doublon d’un autre artiste connu ou même peu connu.

Et même si ton projet est original, garde toujours en tête que tu ne peux pas prévoir la réception du public ou des journalistes et envisage que cela puisse ne rien donner. Mais très honnêtement, si tu respectes bien toutes ces étapes et que ton projet est de qualité, tu peux avoir déjà de belles retombées médiatiques (notamment sur le web) voire quelques jolies playlists Deezer ou Spotify (si si).

Enfin, j’aimerais aussi remettre à l’esprit qu’un 1er EP, c’est avant tout une carte de visite (et je le répète, personne ne t’attend, donc tu peux le sortir quand tu veux et prendre le temps de bien l’aboutir).

Et si ta carte de visite intéresse les pros, la seule chose qu’ils voudront savoir est si tu as d’autres morceaux ; ils voudront tout de suite pouvoir se projeter sur un nouvel opus. Donc… garde un coup d’avance !

Ecrit par - Propos recueillis par Marie Menini

2 commentaires

Salutations distinguées à Vous.
Merci pour cette importante explication.

Cordialement, PADI L’ARTISTE du SENEGAL

DIAGNE 21 février 2022

J’ai vraiment aimé pleine de vérité

Kam nickson 23 novembre 2021

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