Ne plus confondre public et communauté.

Dissocier partage de valeurs et simple consommation

Je viens de lire un article sur Hypebot, dans lequel l'auteur nous explique avec brio la différence entre « public » simple consommateur de musique, et une « communautés » partageant des valeurs communes avec l'artiste qu'elle soutient. Trouvant sa vision intéressante, j'ai décidé de vous traduire cet article et de vous le partager ici.

 

Article de Richard Pulvino paru sur Hypebot traduit de l'anglais par FX

 

On utilise le mot « communauté » à tout va ces derniers temps, à tel point que les spécialistes du marketing musical travaillent à convaincre les fans de n'importe quel artistes que le fait de suivre ledit artiste sur Facebook ou Twitter lui fait « rejoindre une communauté ». Pourtant c'est une erreur d'appeler cette masse de personnes suivant l'actualité d'un groupe, ou d'un artiste « communauté ».


Pour qu'une communauté existe dans sa forme la plus simple, ses membres doivent partager des valeurs communes. Et par valeurs communes, j'entends autre chose que le simple fait d'acheter le même album, ou de suivre un artiste sur n'importe quel réseau social. Ce postulat de base a d'ailleurs très bien été compris par les marques qui commencent à développer un univers autour de leurs produits.


A l'instar des entreprises dont la communication s'est lentement axée sur la promotion de valeurs qui vont bien au-delà de leurs simples produits et services, dans le seul but de créer de l'identification, et donc de construire des communautés de clients partageant les mêmes valeurs, les artistes doivent devraient désormais réflechir à proposer un univers s'étendant bien au-delà de la simple musique qu'ils créent. Les fans - occasionnels ou hardcore - devront être des participants actifs, car dans le cas contraire, la « communauté » stagnera, et tout ce qui restera alors ne sera qu'un amas de personnes ne constituant qu'un public qui recevra ou ignorera les messages qui leurs sont envoyés sans aucune interaction.

Évidemment, et heureusement, la plupart des artistes ne composent pas leur musique avec pour seul objectif de construire une communauté. Mais la musique de ceux qui ont construit une « communauté » est toujours le support d'un discours, ou d'un univers, dont le sens est perçu par leurs auditoires. Qu'il s'agisse de Minor Threat et leur philosophie DIY, The Grateful Dead et leur idée de la paix et de la liberté, ou bien Lady Gaga et ses messages glorifiant les individualités et l'originalité de chacun, les valeurs que les artistes promeuvent, en associant musique et style de vie, posent le terreau nécessaire au rassemblement d'un public convaincu et militant autour de l'artiste.

Il ne faut pas oublier que lorsqu'on supprime les valeurs communes d'une communauté, il ne reste plus que le produit et ses consommateurs.

Les musiciens ne devraient pas se cacher derrière leur travail. Je dis «ne devraient pas» et non pas «doivent pas», car il y a tout de même des artistes qui réussissent en cultivant le mystère là où leur musique peut parler en leur nom. Mais la majorité du temps, les musiciens devraient communiquer.

Que ce soit à travers des interviews, ou bien dans des publications sur leur pages Facebook, leur blog, ou n'importe que réseau social – les artistes devraient prendre la parole. Un musicien qui miserait tout sur sa musique peut créer de la musique brillante et produire d'excellents concerts, mais il ne se créera alors qu'une fan-base, et pas nécessairement une communauté. La diffusion des valeurs défendues par un artiste est essentielle pour faire évoluer une simple fan-base vers l'émergence d'une communauté fidèle et engagée.

En conséquence, des éléments de partage de valeurs pourront être créés sans qu'ils soient directement liées à la musique de l'artiste. Qu'il s'agisse de débat, de créations artistiques, de fabrication de merchandising ou de services, chaque élément en accord avec les valeurs de la communauté permettra à cette même communauté de survivre, grandir et, surtout, d'évoluer.


Les valeurs forgent les opinions, les opinions façonnent les croyances, les croyances favorisent les échanges humains, et les échanges humains créent des lieux d'échanges d'idées. Et dans ces lieux d'échanges, qu'ils soient réels (rassemblement de fans, rencontres organisés dans des bars, soirées spéciales) ou en ligne (forums, sites de communauté dédié...) , des conversations et des échanges intéressants ont lieu, souvent à un niveau qui pourra difficilement être reproduit sur une simple page Facebook.

Évidemment, l'ouverture d'esprit et la tolérance doivent être maintenus dans ces lieux d'échanges car c'est la meilleure manière d'établir de solides liens sociaux entre les membres de la communauté, car ils savent que lorsqu'ils débâteront, leurs idées pourront être rejetées, mais ils ne seront pas rejetés personnellement. D'ailleurs les community managers, ou plutôt les musiciens dans ce cas précis, doivent contribuer à créer un tel environnement, en agissant comme des grands frères en recadrant les dérapages mais en soutenant les membres de la communauté, en les invitant à cultiver leurs idées et à engager des conversations.

Dans un environnement idéal, la communauté devrait se réguler d'elle même. Alors l'artiste pourra laisser la communauté évoluer, tout en intervenant à l'occasion pour exprimer des opinions, relancer des conversations, et peut-être parfois agir comme modérateur.

Dans une récente interview avec le Guardian, Godspeed You! Black Emperor eut une métaphore étonnante sur le thème du garage automobile, concernant la vie d'une communauté et la manière de la créer. Voici un extrait:

«La gueule de bois d'un fan, le cœur brisé d'un autre, une insomnie ou un sentiment d'incompréhension ressenti... tout ce qui compte c'est l'échange créé entre les membres, le partage du travail dans la communauté. Il y a une poésie parfaite dans le martelage et les cris, le souffle du compresseur d'air retentissant toutes les cinq minutes. "

L'idée du travail partagé apporté par les post-rockers est vraiment à la base de l'idée de création de communauté. Il n'y a pas une seule personne qui dirige une communauté. Une personne, ou un artiste en l'occurrence, peut être à l'origine de l'initiative, mais il faut tout un groupe pour que la communauté puisse survivre. Les valeurs que les membres de la communauté partagent et les contributions qu'ils y apportent sont les seules raisons pour lesquelles elles prospéreront. Sans cela, ces communautés ne resteront que de simples publics.

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