Les dix phrases de bookeur que vous n'avez pas envie d'entendre

« Si tu me prends deux groupes je te fais 10% et je t’offre le pins parlant des Enfoirés »

Appelez les agents, tourneurs, bookeurs, le métier qui consiste à vendre du concert reste obscur pour la plupart des non initiés. Pour vous aider à connaitre un peu mieux ces étranges gourous qui ont la haute responsabilité de faire (ou défaire) des carrières, on vous propose un florilège des phrases que vous aurez sûrement entendues si vous les avez fréquentez, et qu’on accompagne d’un décryptage maison comme on les aime.

 


« Ca va venir, c’est juste une question de temps »
C’est bien connu, le succès vous tombe rarement sur la gueule comme une chiure de pigeon sur l’épaule d’un président. Or le plus grand allié du bookeur pour vous trouver des concerts est le temps, que vous le vouliez ou non. Du temps pour envoyer votre son, pour démarcher, pour relancer, pour discuter des conditions,  pour se rendre aux salons, pour connecter, pour relancer, pour préparer et envoyer les contrats, pour vérifier qu’ils ont bien été reçus, pour relancer, pour se faire payer, pour re… Bref, oui, ça prend du temps, et en général si votre agent accouche d’une tournée de 5 dates, il y a de fortes chances qu’il y ait passé à peu près  le même temps que s’il en avait décroché 10, la seule différence résidant dans l’intérêt plus ou moins important porté par les promoteurs à votre projet. Et pour ça le tourneur ne peut forcément pas grand chose.



« C’est bon pour les trois semaines de tournée, j’ai calé six dates, reste plus qu’à combler les jours off »
C’est bien connu, on joue plus facilement un samedi qu’un lundi, aussi un des grands challenges du bookeur est de parvenir à combler ces jours « sans », qui vous causeront en vrac : ennui à tourner en rond dans un hôtel Balladins, trou dans le budget à ne pas jouer alors que vous êtes sur la route, et… rage à destination du bookeur qui a « encore passé plus de temps sur Facebook qu’à essayé de trouver des dates ».

 

« Vous pouvez toujours vous plaindre, ça ne changera rien »
Et oui, car une tournée réussie sera toujours a mettre au crédit du groupe, tandis qu’une tournée ratée sera exclusivement la faute du bookeur. Et ça, ça ne changera jamais.

 

« Le routing est pas évident mais c’est des belles dates »
Ca, ça veut dire que vous n’allez pas tarder à avoir mal au c...orps tellement vous allez passer de temps dans votre camion. Un truc du genre Tourcoing / Montpellier / Bruxelles / Lyon / Toulouse / Paris / Barcelone / Rennes / Saint-Etienne / Lille, le tout en dix jours, elle est pas belle la vie ?
Ben oui mais vous êtes marrants vous, vous vouliez des dates… Et ben en voilà des dates !!! Quoi ça fait 7000 kilomètres en dix jours ? Nan mais déjà je vous trouve des bons gigs, pas mal payés, et en plus il faudrat que vous puissiez aller de l’un à l’autre en moins d’une demie heure, mais faut pas déconner non ?!?! Allez tourner aux States un peu, vous allez voir ce que c’est…
Et cette personne, toute fictive qu’elle est, n’a pas franchement tort.
 

 

« Vous ne serez que quatre sur la route donc on aura un ingé son / road manager / backliner / vendeur de merch /bassiste »
Quand ce n’est pas le routing ou le peu de dates (ou les deux), c’est le budget qui tire la gueule. Et pour cela la seule variable d’ajustement c’est les cachets, donc le nombre de personnes sur la route. Sur une dizaine de dates l’économie peut se chiffrer en milliers d’euros, d’autant qu’au delà des cachets, il faut jouer avec les nuits d’hôtels, per diems, et autres cassecouilleries financières en plus / moins. Du coup on se retrouve régulièrement avec des situations qui frôlent l’aberration. Et l’ingé son, souvent la (très) bonne poire, joue des rôles multiples, pour son plus grand bonheur. De grâce donc, un peu d’indulgence.

 

 

«  On part avec un déficit de 12 000 euros sur la tournée mais on va faire une demande de subventions »
Décidemment rien n’est gagné dans ce métier. Et souvent pour le bien du développement de votre petit groupe si prometteur, le tourneur s’engage sur la voix dangereuse mais on ne peut plus courante du déficit. Vous ne le savez d’ailleurs peut-être même pas, mais vous n’avez pas encore fait sonner un accord, que votre agent perd déjà de l’argent. Son salut, faire des demandes de subventions, qui s’avère être une vraie science. Entre les différentes entités, la difficulté à avoir les bons interlocuteurs, les calendriers on ne peut plus stricts, l’opacité de certains choix et règlements, les délais de versements lorsqu’on à la chance d’être éligible ET élu, vous aurez compris qu’il en va des subs comme d’une très hypothétique rentrée d’argent. Et quid si le bookeur ne pouvait compter sur cette manne pour votre tournée déficitaire ? Il ne lui restera plus qu’à croiser les doigts pour que vous fassiez du bon boulot sur ces dates et que les prochaines tournées soient assez bénéficiaires pour se refaire. Las Vegas ? Voilà, un peu…

 

«  C’est marqué sur ton roadbook »
Un bookeur digne de ce nom accompagne toujours un départ en tournée d’un joli cahier. Comme ce ne sont pas des vacances et que le seul vrai devoir est de bien jouer et d’être un minimum de bonne humeur, il ne s’agit pas de devoirs de vacances mais de la bible de tournée, qui vous donne tous les horaires, points de rendez-vous, itinéraires, notes particulières, etc. Il se trouve que la plupart des musiciens ont une facheuse tendance à se foutre royalement de ce genre d’outils. Soit parce qu’ils ont un gentil ingé son / road manager / backliner / vendeur de merch / bassiste pour leur rappeler ces menus détails, soit parce que de toute façon ils ont 14 ans dans leur tête et la maturité d’une moule...

 

 

« J’ai un intérêt de la part de la MJC Jean Jacques Goldman pour le vendredi 17 mai »
Comme dans toute corporation, on use dans le fabuleux monde du booking d’un vocable bien spécifique. Parmi ces mots bien particuliers, ceux qui tendent à qualifier le potentiel d’une date tient un peu du risible, mais a également toute son utilité. En l’occurrence un "intérêt", ça veut bien dire ce que ça veut dire. Ca veut dire que Serge, le prog de la MJC JJ Goldman, a laissé entendre à Didier, votre bookeur, que votre groupe était plutôt cool et que sur cette période ça pourrait être une bonne idée. Bon. Sympa, mais y a pas de quoi non plus appeler toute la famille…



« J’ai une option de la part du Centre Culturel Ace Of Base pour le samedi 18 mai »
Voilà. Une option ça veut dire que Serge a bien noté dans son agenda la perspective de faire jouer votre groupe, parmi d’autres options qui peuvent très bien être vos pires concurrents, oui vous savez les vieux salauds qui font le même genre de son que vous et qui vous grillent tout le temps des dates. En tout cas Serge l’a fait comprendre à Didier, qui commence à remuer la queue à l’idée de planter une date.

 

« J’ai une option ferme de la part de la Salle des Arts  Zach de la Rocha pour le vendredi 24 mai »
Ok, c’est là que ça commence à être un peu wigolo. Parce que là ça veut juste dire exactement comme avant, sauf qu’entre temps Serge en a parlé en réu, a étudié plus précisément les budgets et a laissé entendre à Didier que ça avait de grandes chances d’arriver. Wa-ou. 

 

« J’ai une confirmation du Club des Jeunes André Rieu pour le samedi 25 mai »
Mazel tov. Vous voilà avec une date sur le calendrier. Vous n’avez plus qu’à en attendre une deuxième et ça pourrait presque commencer à s’appeler une tournée. Bravo, vous n’avez plus qu’à bosser fort pour qu’au moins ça ressemble à quelque chose.

 

 

BONUS MALUS : « Je sais pas pourquoi il me l’a annulé, une sombre histoire de subventions qui seraient pas tombées »
Et oui, contrats pas signés, decision du maire ou du conseil general qui pète une petite durite sur le prochain prévisionnel de la saison culturelle, engueulade entre le programmateur et le directeur de la salle, bien souvent vous n’avez aucune idée du pourquoi de l’annulation mais vous l’avez bel et bien dans le manche jusqu’à la tête !!!!
Deux solutions alors, une date de remplacement de dernière minute… ou le Balladins…

 

 

Vous n’avez pas de bookeur parce que vous préférez vous débrouiller tout seul comme un grand et pas verser une comission à ces escrocs de première catégorie ? Vous n’avez pas de bookeur parce que vous n’avez juste aucun talent ? Confiez-vous en toute discrétion en commentaire de l'article ci-dessous, en nous contactant sur le blog, ou en questionnant directement l'auteur par là

 

 

L'auteur : Cousin Cool se situerait dans la carrière musicale entre Père Castor, Cousin Machin et Daddy Cool. 30 ans qu’il traîne sa carcasse barbue dans les salles et les studios en tant que bassiste, ingénieur du son et régisseur. Du nord au sud de l’Europe, de l’est à l’ouest de l’Amérique, Cousin Cool a bossé avec les plus grandes divas comme avec les pires crasseux. Dans la famille Cool, il n’a jamais été père ou a refusé de le(s) reconnaître. Mais chez les Cool, on est dans le son de la tête au pied, de père en fils depuis une génération, et peu importe si celui de Cousin l’a abandonné à la naissance. De cela comme de tout sauf du son, Cousin se fout complètement et on le lui rend bien.

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