Huit trucs pour faire un bon concert de merde

"Mais quand tu dis de merde c'est, j'veux dire, de merde quoi ? Ah bon ok..."

Vous en avez marre d’être au summum de la hype ? Vous êtes fatigués d’écrire concert après concert de nouvelles pages de la grande Histoire musicale ? Vous n’en pouvez plus qu’on érige votre groupe en tête de gondole du renouveau musical hexagonal / régional / de votre quartier (rayez les mentions inutiles) ?
Pourquoi ne pas faire retomber un peu le soufflet en enchainant quelques bons concerts de merde ? Mais attention, produire un concert à chier est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît. Même si l’on se donne les moyens, on est parfois rattrapés par cette envie de bien faire, cette crainte d’être catalogués comme des gros nazes, ou cette peur de se ramasser des cailloux dans la face par le public. N’ayez crainte, comme on apprend véritablement que de ses erreurs, rien de tel qu’un concert bien merdique pour progresser, et pour cela on vous donne quelques conseils.

ATTENTION : Ces méthodes peuvent aussi servir en cas de volonté de :

- mettre violemment fin à votre groupe

- se débarrasser d’une groupie hyper oppressante

- vouloir faire le buzz sur la toile en devenant une des vidéos les plus LOL de la sphère musicale

- se faire renier par sa famille et pas mal de potes

>> Ville de merde

La première question quand on pense concert à chier, est sans doute de savoir où se produire ?
Loin de chez soi ? Oui, c’est tout de même préférable pour se rôder, mais ou donc ?
Si les mauvaises langues auront tôt fait de brocarder l’enfer du nord et des Maubeuge, Dunkerque, ou des ghettos bretons comme Brest ou Lorient, à moins qu’ils ne se plaignent du désert musical du Sud-Est avec Marseille ou Nice, par opposition aux fastes parisiens ou à l’hyperactivité nantaise. Non, au delà de ces clichés hâtifs, mieux vaut fonctionner par réseaux et bouche à oreille, en faisant confiance à des groupes de potes, qui en fonction du style joué et du ressenti de chacun, et envisager même à terme une « tournée des villes de merde », nom que vous pourrez officiellement à votre tournée afin de mettre toutes les chances de votre côté de recevoir un accueil atroce.

Le truc qui tue tout : jouer avec votre groupe de reggae gratos devant la mairie de Béziers.

>> Public de merde

Dans le même genre d’idées, et quoiqu’en pensent Johnny et Sardou qui ont le don de toujours trouver que le public du soir est le meilleur de la tournée, il est évident que certaines salles, régions, ou festivals ont clairement des publics moins emballants que d’autres. Là encore, fiez-vous à ceux qui ont une expérience bien plus fournie que vous en concerts merdiques, et suivez l’exemple. Rien de plus frustrant que de tout mettre en œuvre pour chier son concert et de voir que le public vous soutient coûte que coûte et continue à vous encourager parce qu’ils sont vraiment trop cools.

Le truc qui tue tout : si vous estimez que le public est justement un peu trop bienveillant à l’égard de votre prestation pourave, faites donc quelques vannes hyper lourdes sur leur région et tournez-leur le dos. Ca devrait mettre fin à leurs ardeurs…

>> Réflexions de merde

Une des erreurs dans ce genre de challenge serait de se concentrer sur la musique, puisqu’après tout c’est la raison pour laquelle vous vous produisez. Non, une des performances de concerts de merde les plus impressionnantes reste ces soirées ou le groupe cartonne musicalement, mais se comporte comme de véritables fils de chacals humainement. Pour cela rien de plus simple, commencer par être sûr de déchirer un maximum niveau scène, et contentez-vous de quelques petites phrases assassines de type « quatre fois que je demande de baisser ma voix dans le retour et on dirait que cet abruti de sondier est aussi amorphe que les dix premiers rangs », ou « Enfin voilà la dernière, vous en avez marre ? Rassurez-vous nous aussi… ».

Le truc qui tue tout : jouer en première partie d’une tête d’affiche ultra-attendue, et partir du principe que le public est venu pour vous. Déjà qu’en général les gens sont ultra impatient à l’idée de voir les stars qu’ils attendent, ça devrait définitivement transformer cet exercice délicat en un véritable enfer.

>> Matos de merde :

Vous qui avez claqué pas mal de noëls, de treizièmes mois, de RSA et d’étrennes de mamie dans votre matos ultra pro vintage, tentez donc un jour de ressortir votre batterie Linko, votre guitare Fendair et votre ampli Peavey en plastique. Même les ingés sons les plus pros lâcheront l’affaire à l’idée d’améliorer ce scandale sonore qui sort de la façade…

Le truc qui tue tout : réarranger toutes les parties de guitares solos / cuivres avec des sons insupportables de claviers Bontempi. Effet « public qui se sent musicalement violé » garanti.

>>Groupe de merde (le votre)

Voilà, là on touche au nerf de la guerre : la qualité intrinsèque de votre concert. Votre prestation à vous quoi. Beaucoup plus efficace quand tout le collectif est tourné vers le même objectif merdique, on peut aussi imaginer incarner ce projet seul, en tant que leader (ir)responsable, afin de convaincre ses potes réticents de se laisser aller la prochaine fois.

Le truc qui tue tout : Commencer le concert en annonçant la couleur (de merde, donc) en lançant au public un traditionnel « Ça vaaaaaa ??? », et répondre à ceux qui auraient l’outrecuidance de répondre benoitement « Ouaaaaaaaais », un simple : « Bon ben nous ça va hyper moyen, donc au moins vous êtes prévenus… ».

>> Groupes de merde (les autres)

Quel groupe n’a pas déjà été confronté à l’idée de partager la scène avec des groupes qu’il considère (en toute subjectivité) comme absolument nul. Plutôt que de le vivre comme un affront à votre projet personnel, prenez-le comme une inspiration afin de pouvoir encore plus qu’eux offrir au public un concert ultra mauvais.

Le truc qui tue tout : Faites comme Nirvana en 1993 à Rio. Enervé par l’accueil horrible que le public avait réservé à XXXX, la première partie que le groupe avait lui-même choisie (lancers de projectiles, sifflements, etc.), Kurt et sa bande ont livré au public brésilien un concert absolument dantesque, saccageant leurs propres morceaux les uns après les autres, dans une espèce de bras d’honneur musical resté assez mythique.

>> Journaliste de merde

Afin de lancer les hostilités au mieux, commencez par livrer dans la presse locale le fond de votre pensée sur le manque d’intérêt flagrant du concert en question. Une fois le concert lancé, profitez-en pour accuser cet affreux journaliste d’avoir déformé vos propos, comme les vrais.

Le truc qui tue tout : Que le journaliste en question soit dans la salle, pour encore plus d’impact…

>> Organisateurs de merde

Les concerts indés sont souvent organisés par de petites assos composées de bénévoles dévoués à la cause, qui ne connaissent pas forcément les rouages de la prod musicale. Ca tombe mal, car vous aimez quand les choses sont carrées et irréprochables, donc ne manquez jamais une occasion de vous faire une réputation de groupe ultra exigeant en faisant des commentaires hyper désobligeants à l’orga dès que vous estimez qu’un truc est mal fait.


Le truc qui tue tout : Usez d’un petit sobriquet pour qualifier l’équipe organisatrice lorsqu’il s’agit de leur faire remarquer qu’un truc n’est pas à votre goût, de type « les boulets », ou « les tocards »…

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