Dix phrases qui montrent que vous faites un concert chez l'habitant
Ou tu sais que t'es pas vraiment dans une salle de concert normale quand t'entends...
Le concert chez l'habitant est une espèce de formule magique. Elle caractérise par définitiion les lieux les plus accessibles et souvent les plus chaleureux, qui permettent si ce n'est de faire de l'argent au moins de faire des économies pendant une tournée et d'élargir son public à certaines personnes qui ne se déplaceraient pas dans les salles obscures, en plus d'être une machine à faire de belles rencontres. C'est enfin un excellent exercice de scène, à mi-chemin entre l'animation d'un bar dans lequel tout le monde se fout de votre présence, et un gig plus classique sur une scène..plus classique. Alors asseyez-vous donc dans le canap' et tendez l'oreille.
“Disons qu’on peut baisser le cachet à 50 euros, mais alors on prend la moitié des entrées à deux euros ?”
Le concert chez l’habitant est rarement un moyen de faire du cash. Ni pour vous, ni pour ledit habitant. Cela dit, si ce n'est pas une fin en soi, c’est de loin la meilleure façon de combler le day off du lundi soir entre Condom et Couillac au beau milieu de votre Perigord-gore-tour. Comme vos hôtes sont rarement des producteurs de concerts professionnels, trouvez un deal simple, et au pire pas de deal du tout. Vous assurer que vous pouvez trouver le gîte et le couvert dans de bonnes conditions est déjà un bon deal quand il évite de payer chambres d’hôtel et restos. Et puis vous pouvez toujours passer dans les rangs à la fin du concert armé de votre plus beau couvre-chef, afin d'y récolter de quoi payer l'essence du lendemain.
“Quand vous dites “le petit chemin à droite quand tu passes devant le champ de maïs”, c’est avant ou après le passage à niveaux ?”
Même si ça se fait aussi en mileu urbain, il est plus simple d’organiser un concert à la cool chez soi quand on habite au milieu des vaches qu’au 13ème étage d’une tour à Villetaneuse. Donc verifiez bien l’itinéraire. Si vous sentez que c’est paumé, privilégiez les indications des autochtones, souvent plus fiables que votre carte ou votre GPS.
“Nan t’embêtes pas, on va mettre le stand de merch dans la cuisine, à côté du frigo tiens voilà, pof, là, au dessus de la niche du chien, tu vois, parfait… oui le chien, c'est bon, voiiiilààà, t'es un geeentil chien...”
Laissez vos exigences de musiciens adeptes des salles de concert bien confortables de côté, vous n’êtes pas à l’Olympia et les organisateurs d’un soir sont déjà assez cools pour vous ouvrir leur chaumière, alors soyez souple et jouez la à la bonne franquette.
“On a qu’à allumer la veilleuse et baisser un peu l’halogène, ca fera genre ambiance tamisée, nan ?”
La réflexion ci-dessus s’applique au stand de merch comme à l’éclairage, à l'acoustique ou aux « loges ». Donc un mot d’ordre : coolitude et gratitude.
Comment ça, ça fait deux mots d’ordre ?!
“Quoi ? Acoustique ? Sans aucune sono tu veux dire ? Ben c’est à dire qu’on est un groupe de noise quand même..”
Bon coolitude ok, mais c’est pas parce qu’on est chez l’habitant qu’il faut s’asseoir sur les conditions minimum qui permettent d’assurer votre gig quand même.. Donc anticipez en demandant très clairement de quoi vous pouvez disposer sur place histoire d’éviter les mauvaises surprises. Il y a par exemple de grandes chances qu’il vous faille fournir la sono et le parc micro si nécessaire.
“Ok alors on va ptêt passer au dessert parce qu’il faudrait quand même qu’on joue un peu nan ?”
Vous vous trouvez chez des gens qui sont capables de vous accueillir dans leur salon et vous faire pieuter chez eux sans vous connaitre, avec souvent pour seul but de mettre un peu d’animation dans le voisinage, c’est donc rarement la radinerie qui les caractérise. Pour preuve il n'est pas rare de vivre des où l'on reste attablés bien longtemps avant le concert, ou alors également allongés jusqu’à pas d’heure tout en visitant la cave du maître des lieux après avoir joué. Epique.
“Ah ben les voilà enfin ! Ce morceau est dédicacé aux voisins qui viennent d’arriver ! Franchement les gars on vous attendait plus…”
Et ouais, c’est l’avantage en terme de relation avec le public pendant le concert, c’est qu’il n’est pas rare d’avoir fait connaissance avec chaque personne avant même de commencer à jouer. Ainsi, vous savez que la grand-tante adoooore ce que vous faites, « surtout la 3 là sur l’album, comment elle s’appelle déjà ? », et vous savez également qu'une des voisines est arrivée seule, qu’elle est fort jolie et qu’elle s’appelle Elise mais que tout le monde l’appelle Lisa. Hyper bien Lisa. Je note pour plus tard...
“Franchement en arrivant je pensais pas qu’on pouvait tenir à 80 dans votre salon…”
Toute proportion gardée, c’est donc comme dans une salle de concert finalement. On peut jouer devant une salle faiblement remplie, ou comble. Sauf qu’ici quand c’est comble c’est rarement plus de quelques dizaines, et quand c’est foiré, ça peut se passer devant le couple qui vous reçoit. Plus éventuellement deux voisins. Et pour l’avoir vécu y a intérêt à s’accrocher un peu. Donc essayez de vérifier quand même avec vos interlocuteurs du soir qu’un minimum de com a été faite autour de cette date particulière et n'hésitez pas à communiquer également de vôtre côté.
“Vous aussi le clébard venait vous lécher les pieds entre les morceaux ?”
Bon et ben quoi ? Vous n’aimez pas les bêtes ? Eeeeeeeet ben ce sont des choses qui arrivent... Tout comme le bébé qui chiale pendant votre chanson triste ou les plombs qui sautent parce que vos 10 kilos de son tirent un peu trop sur l’installation de cette bicoque. C’est comme ça, c’est l’aventure, on rigole…
“Ben on est en tournée depuis quatre ans, on a fait six cents dates, jusqu’ici ça se passe plutôt bien”
Ok, à ce point là c’est peut-être un peu exagéré, mais sachez quand même que certains s’en sont fait une spécialité. Comme Jon Troast par exemple. Ayant tenté l’expérience avec succès, il s’est concocté de salons en jardins un réseau de plusieurs centaines de particuliers à travers tout le pays et s’est presque définitivement converti à ce type de tournées.
“Ah c’est mignon la couette Mickey et les cousins Power Rangers, ça nous change des draps tâchés du Formule 1”
Le concert chez l’habitant est un peu à la tournée ce que le coach surfing est au voyage en backpack : une succession de rencontres plus ou moins surprenantes et en général fort agréables. Donc ce soir vous et votre groupe avez droit à "la grande chambres des enfants", donc si vous n’avez pas pu faire beaucoup plus connaissance avec Lisa, vous aurez au moins l’intégrale d’Asterix à votre droite à bouquiner, et même un Buzz l’Eclair au pied du lit. Vers l’infini et au delà…
Vous avez connu des expériences plus ou moins fun à jouer chez l’habitant ? Vous aussi avez un Buzz l’Eclair et cherchez un copain pour jouer avec vous ?...