Brice Tillet - Batteur au service de la composition et du sound design

"Il vaut mieux être au courant de ses qualités et lacunes pour éviter tout malentendu par la suite"

L'interview du jour nous apprend qu'on peut être musicien et gagner sa vie sans pour autant enregistrer d'albums ni jouer sur scène. Brice Tillet compose en effet des morceaux à la demande de sociétés, de productions de films ou d'agences de publicité, et nous parle de la manière dont il traduit sa passion pour le son derrière ses instruments, sa table de mixage, ses micros et son papier à musique.

 

 

Salut Brice, peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?

Bonjour, je m'appelle donc Brice, j'ai 34 ans et j'habite à Paris. J'ai fais des études de batterie à "Agostini" (technique instrumentale, solfège), puis à "l'American School of Modern Music" (solfège, harmonie, composition, arrangements). Après de nombreuses années dans des groupes (rock, funk, reggae, jazz, trip hop, chanson), je me suis orienté vers la composition (à l'image notamment) depuis 2007.

Peux-tu nous décrire précisément ton métier ?

Mon métier consiste à mettre en valeur, en musique un film (documentaire, institutionnel, court/long métrage, publicité, animation) en étroite collaboration avec le réalisateur/monteur ou avec le client "en direct". Pour (de) la publicité, je m'astreins à faciliter l'identification de la marque en question (logo sonore, univers du produit).
Je suis amené à répondre à des briefs, à être à l'écoute du client tout en étant force de proposition.

Ca veut dire qu'on peut te demander de composer un morceau de n'importe quel style et que tu es censé pouvoir proposer quelque chose ?

Exactement. Après, je ne prétends pas savoir tout faire, il vaut mieux être au courant de ses qualités et lacunes pour éviter tout malentendu par la suite. Il m'arrive de faire appel à des amis instrumentistes ou même à des collègues compositeurs pour finaliser mon projet.

Ca veut dire qu'il faut écouter de tout et tout le temps ?

C'est fortement recommandé.

A part des références de groupes ou de musiciens, as tu des mentors dans la composition telle que tu la pratiques ?

Oui, (et sans être très original) je citerais John Williams, Ennio Morricone et Hans Zimmer mais aussi Bruno Coulais, Bernard Hermann...

N'est-ce pas difficile lorsqu'on t'envoie un cahier des charges sur des choses qui ne t'inspirent pas ?

Ma grosse angoisse, l'inspiration et les délais. L'expérience aidant, j'arrive malgré tout à répondre au brief. Il m'arrive d'en parler à des amis (musiciens ou non), de regarder les références données par le client, de m'inspirer d'autres créations (musicales ou non).

Quels sont les aspects les plus gratifiants et les plus ingrats de ce job ?

Trouver la bonne orchestration, le bon ton, la bonne idée sont les premières étapes et j'adore ça.
Il est aussi très agréable qu'un client ou un réalisateur revienne vers vous pour vous remercier et vous dire que votre "musique BIG UP l'image" (ou la marque), et que vous l'avez aidé à finaliser son montage.
L'aspect ingrat serait que la musique et le son passent malgré tout au second plan.
Les gens ne se rendent pas forcément compte de l'impact d'une musique sur des images (cf. "Psychose"). Ils l'entendent plus qu'ils ne l'écoutent.

Tu es avant tout batteur, ce n'est a priori pas la plus évidente des spécialités pour devenir compositeur,

C'est sur...mais je me souviens de mon prof de chant nous disant que les batteurs faisaient souvent de bons compositeurs. Nous ne sommes pas mélodistes (quoique..) mais nous jouons d'un instrument polyphonique. Cela aide à avoir une idée d'ensemble des voix jouées, en même temps ou non, et à bien orchestrer l'oeuvre.
Je finirais par la notion de rythme, essentielle quand on compose à l'image, pour coller au mieux au montage.

Tu as tenu à tuer la frustration du ryhtmicien qui n'est pas mélodiste, c'est ça ?

Sans doute un peu. J'aurais adoré être pianiste, l'instrument maitre pour travailler et pour composer. Pour rappel, le piano est un instrument de percussions... ;)
Tout les instrumentistes, mélodistes ou non, ne veulent ou ne peuvent pas composer.
Selon moi, tout ça vient de la personnalité du musicien et d'une envie de créer.

Y a-t-il des formations qui mènent directement à ces métiers et si oui lesquelles ?

Il faut d'abord apprendre les bases de la musique (solfgège, harmonie...) seul ou dans une école, c'est encore mieux... Il y a évidemment des cursus spécialisés dans la composition, plutôt en fin d'études. Des universités ou écoles privées proposent ce type de spécialisation. L'IRMA est aussi une très bonne source d'infos, de formations, d'offres de jobs. Après, tout le monde peut s'essayer à la composition, surtout à l'ère du home studio.

Que conseillerais-tu à ceux qui souhaitent s'orienter vers cette profession ?

Connaitre le plus possible de styles, d'époques de musique. Aller au cinéma, à des concerts, faire attention au son dans la publicté, se documenter sur les innovations technologiques, aller à des clinics.. Etre au courant des courants de création (musique évidemment, animation, mode, etc.)
Et bien sûr, connaitre le plus de personnes, de profils différents : musiciens/compositeurs, réalisateurs, monteurs, DA, agences de com/prod. Ne pas oublier l'aspect juridique et être bien au courant des droits d'auteur et...d'édition.

Tu as travaillé en agence avant de t'orienter vers une activité en free lance, pour quelles raisons ?

Etre freelance me permet d'être autonome, de répondre à pas mal de commandes différentes et ce dans des domaines d'activités variés.

Avec la multiplication des applications et pubs web qui nécessitent un habillage sonore, on aurait tendance à considérer l'avenir de ce métier positivement, quel est ton sentiment ?

Le son et la musique sont partout et évidemment dans le numérique. En effet, la demande est en constante progression mais les places sont chères, nous sommes une "génération audiovisuelle".
Un autre problème me vient à l'esprit...les droits d'auteur, encore flous dans le monde du web.
Il y a également un schisme entre le copyright et le droit d'auteur "à la française".

De quoi rêve-t-on professionnellement quand on est sound designer ?

Travailler sur de beaux projets, dans de bonnes conditions techniques, humaines et bien sûr financières. Ne pas perdre l'inspiration (et les clients).

La frustration n'est-elle pas grande lorsqu'un morceau qu'on a composé est écouté des milliers voire des millions de fois par l'auditeur sans qu'à aucun moment il ne sache que tu en es l'auteur ?

On aborde ici l'égo de l'artiste et le manque de reconnaissance. Vaste problème...pour moi, le plus gratifiant est d'avoir réussi à composer ce morceau qui plait à énormément de monde.
Il est évidemment flatteur que les gens vous félicitent et quelque part vous "admirent".
Je pense que ce problème de reconnaissance se retrouve dans tous les métiers.
Mais en effet, un artiste se met peut être plus à nu que dans d'autres professions.

Aurais-tu une anecdote particulière liée à ton métier à nous faire partager ?

J'ai du refaire une grosse partie de la musique d'un long métrage car le réalisateur a voulu changer son montage en cours de production. Il s'agissait d'un travail de "synchro." très préçis, j'étais ravi.
C'était au début, aujourdhui je m'assure que le réalisateur sait ce qu'il veut.

Quels évènements professionnels vont marquer tes prochaines semaines et mois ?

Composer deux musiques de courts métrages, finaliser un deal de droits d'auteur pour trois films institutionnels et créer ma société d'edition musicale.

Alors c'est quoi la différence entre un bon et un mauvais sound designer ?

Délicat comme question. C'est comme pour les chasseurs...

Et pour finir, tes dernières claques musicales, album et live ?

J'ai découvert "La Femme" dernièrement, j'adore leur univers 80's, "dark mais pas trop", des morceaux simples mais bien foutus. "Stromae" me plait bien, tant le personnage que la musique et même les textes, moi qui n'y fais pas vraiment attention normalement.

 

 

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