7 trucs pour savoir si vous êtes indépendants ou pas avec votre groupe de musique ?
"Toi t'es plus un indé genre, vraiment indé, ou plutôt genre indé, mais pas complètement indé non plus ?"
Indépendance. Rêve d’adolescent en quête d’émancipation, révolutions politico-sociales ou revendications de groupes, le terme est aujourd’hui quelque peu galvaudé. Il est en tout cas repris à bien des sauces dans lesquelles on mêle aujourd’hui volontiers l’écolo, le local, le vertueux, bref le champ lexical du cool des années 2010, qui permet d’accréditer sans trop d’explications n’importe quelle démarche. Cependant, cette indépendance si recherchée marque dans son absolu bien des contradictions et des zones d’ombres. Vous êtes « indé » ? Attendez un peu de lire ces lignes pour en être sûr…
Indépendant : qui est autonome, qui refuse toute sujétion.
Grâce à cette définition simple, on se rend aisément compte que ce qui guide celui qui se proclame indépendant est la sacro-sainte Liberté. N’y a-t-il pas plus grand Bonheur que celui de se sentir libre ?
Car il n’y a ni barème, ni critère qui distingue l’indépendance véritable de l’usurpée. Il n’y a pas non plus d’autorité qui décerne le droit ou non de se déclarer indépendant, encore moins libre d’ailleurs.
Cette affirmation ne repose donc que sur ceux qui la proclament. Vous vous dites indépendants ? Soit. Vous en avez tous les droits.
Comme c’est ici la musique qui nous intéresse, nous allons nous arrêter quelques temps sur ce que sous entend cette dépendance pour les groupes et autres activistes du secteur.
Pour le musicien du 21ème siècle qui cherche à vivre de sa musique, l’indépendance signifie crument : produire la musique que l’on aime, quand on le souhaite, sans que quiconque ne nous intime la marche à suivre. Jusqu’ici pas trop compliqué. En gros : « laissez moi faire mon son comme je l’entends et je me porterai bien, merci. »
Là où le bât blesse, c’est lorsque l’on considère l’envie, pour ne pas dire pour certains l’obligation, de vivre de ces activités. Je fais ma musique certes, mais j’ai quand même mon loyer à payer et ma conquête à inviter à ce resto gastronomique qui la fait rêver et qui va me coûter deux cachets.
Ainsi, s’il souhaite rester indépendant jusqu’au bout des cordes, le musicien devra aujourd’hui être doué de talents autrement plus fournis que la seule capacité à jouer des accords qui sonnent ou à fredonner des textes inspirants.
Il devra être le gérant de sa propre petite entreprise, et prendre en main l’ensemble des dossiers qu’elle induit. Car la première différence entre un entrepreneur et un employé (ne sommes nous pas dans une certaine mesure employés de labels lorsqu’on nous fait signer des deals à 360 degrés et qu’on vient mettre le nez pour nous dans la production, le visuel, le mix, les dates, etc…...?) c’est que l’employé ne se tape les tâches qu’il considère comme particulièrement rébarbatives. Il aura la chance de pouvoir les déléguer, ou de les voir simplement attribuées à quelqu’un d’autre, afin qu’elles soient mieux gérées.
Mais l’indépendant, lui, devra se fader TOUT de A à Z. Donc non seulement en avoir les capacités, mais aussi trouver le temps pour tout faire.
Ainsi, au quotidien, vous vous devez d’être :
>> Grand (web) Master Flash
Si vous espérez encore convaincre du monde de la qualité de votre musique sans être présent d’aucune manière sur la toile, c’est que soit vous espérez écrire consciemment votre légende de cette façon (Aaah, cet article des inrocks dont vous rêvez, dans lequel le journaliste se pavane en écrivant qu’il a reçu la galette exclusive de votre incroyable démo, alors que la seule information qu’on puisse trouver sur le net est le nom de votre groupe… hmmm hyper mystérieux… hyper le buzz…), soit que vous avez le degré de réflexion d’une loutre. Mais encore une fois, il ne s’agit pas de savoir tripoter du Facebook, on parle dans le meilleur des cas de procéder à une véritable veille sur les pratiques digitales, et de s’approprier ces outils pleinement lorsqu’on les juge utiles à notre projet.
Alors, un conseil pas trop relou : consacrez à votre communication au sens large un temps précis par jour ou par semaine, histoire de vous rendre efficace sans vous faire déborder.
>> Dealer d’images
En lien avec ce premier point, les réseaux (oui tous ces réseaux qu’il vous faut gérer tous les jours : facebook, youtube, twitter, instagram, tumblr, snapchat, tout ça quoi) se doivent d’être alimentés par de l’image. Il va donc falloir vous trouver un Canon hors de prix, ou au pire un smartphone un minimum intelligent, pour la créer. Et comme vous avez à cœur de ne pas juste envoyer sur la toile une captation mal sonorisée de votre répétition, vous passez des heures sur ce maudit logiciel de montage auquel vous ne captez rien, puis des nuits sur cette infamie de logiciel de son que vous ne comprenez guère plus, pour essayer de donner un peu de couleurs à votre captation.
Alors, un conseil pas trop relou : trouvez-vous un axe et conservez le. Prendre toutes vos images avec un filtre bleu, ou un encadré orange, commencer toutes vos vidéos par le même gimmick, ou encore ne faire que des micros vidéos, bref, creusez-vous pour trouver une signature qui deviendra vite un signe facilement reconnaissable pour ceux qui vous suivront.
>> Super teckos
Il ne s’agit pas seulement de maîtriser son instrument, il faudra bien souvent savoir gérer tout ou partie du son de concert. Qui n’a jamais joué dans un lieu qui était présenté comme équipé et géré techniquement, pour s’apercevoir qu’il n’y réside pas l’âme d’un technicien son, qu’il manque la moitié des tranches à la table de mix, et qu’il faudra choisir entre avoir une façade ou des retours ?
Alors, un conseil pas trop relou : investissez un maximum dans du matos. L’indépendance est aussi matérielle, et avec votre petite sono, votre table et vos micros vous aurez moins à subir les manquements des lieux qui vous reçoivent.
>> Fashion pas trop victime
Si d’apparence négligée vous êtes, cela devra être un choix assumé. Si vous préférez surfer sur les tendances dictées par telle starlette et aussitôt relayées par les magazines que vous feuilletez passionnément, alors vous avez intérêt à être innovant et ne pas faire que copier. Votre identité passera par votre look, vos atours, et si c’est sincèrement pensé et porté de manière assumée, vous pourrez vite en faire un bel outil de reconnaissance.
Alors, un conseil pas trop relou : le noir. Intégral. C’est intemporel, colle avec tous les styles musicaux, et ça a toujours l’air de cacher pleins de choses qu’on n’ose pas trop demander. hmmm hyper mystérieux… hyper le buzz…
>> Président du conseil d’administration en charge de la gestion de votre groupe
Si l’on ne considère que la gestion de ses dossiers d’intermittence et les longues heures de batailles qu’il est parfois nécessaire de mener pour prouver sa bonne foi et espérer enfin boucler le précieux statut, il vous restera à gérer les autorisations de captation du festival à venir, les billets à prendre pour ce concert à Mulhouse, le décompte du merchandising sur les trois dates que vous venez d’enchainer, la constitution de ce dossier de subventions pour la prochaine tournée estivale, la relance de ce café-concert qui ne vous a toujours pas fait parvenir ce p… de b… de chèque de m… (pardon) de 40 euros suite à cet incroyable concert devant 13 personnes, alors même que vous aviez dépensé 50 euros de baby-sitter ce même soir pour honorer ce gig, bref… la montagne administrative qui s’érigera vite sur votre bureau et recouvrira peu à peu vos partitions et vos instruments si vous ne les gérez pas en temps et en heure.
Alors, un conseil pas trop relou : tenez à jour des listes de ce que vous avez à faire et estimez grossièrement le temps que vous avez à y consacrer et le degré d’urgences de ces tâches. Bloquez une demie journée par semaine à cela par exemple, et commencez évidemment par le plus urgent. Ce que vous n’aurez pas le temps de faire ne sera pas et ce sera tant pis.
>> Multinstrumentiste
Non seulement c’est carrément tendance de jouer de la gratte en tapping de la main gauche tout en jouant du clavier ou en tapant sur un tom de la main droite, mais la réalité financière des tournées fait que les équipes se réduisent drastiquement et qu’il faut parfois choisir entre un musicien et un technicien. Bouh… Donc si vous êtes pianiste de formation, ça ne sera pas bête de vous mettre petit à petit à la basse, puis à la batterie, etc., histoire de pouvoir vous transformer petit à petit en one man band, et honorer des shows solos si nécessaire, qui mettront un stop radical à ces programmateurs qui n’ont que pour argument que votre groupe et ses 37 musiciens représente un trop gros budget pour lui.
Alors, un conseil pas trop relou : faites chanteur.
>> VRP en représentations scéniques
Ou tourneur quoi. Car qui dit indépendance, dit trouver soi-même des dates, ou dans le meilleur des cas les choisir en fonction de leur localisation, leurs jauges, les conditions qu’on vous propose, etc. Fantastique, mais extrêêêêêêêmement ingrat et chronophage. Qui rime avec bon courage.
Alors, un conseil pas trop relou : si ça vous gave, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
En conclusion, toutes ces tâches représentent évidemment des métiers à part entière. A ce degré d’indépendance, très peu de groupes sont capables de coordonner tout cela efficacement sans avoir l’impression soit de se perdre dans ce joyeux bordel organisationnel, soit juste mourir dans d’atroces souffrances. Ce qui est sûr, c’est que vous ne trouverez pas le meilleur partenaire qui soit, qu’il s’agisse de booking, d’éditions, de label ou de management, sans avoir accepté de gérer le mieux du monde votre carrière pendant un certain temps. C’est la garantie de cette indépendance que vous prêcherez à qui veut l’entendre, mais ce sera aussi le meilleur atout pour s’entourer des bonnes personnes le moment venu. Quand à ceux qui s’époumonent en se demandant quand ce moment arrivera, courage les amis. Foi et persévérance ! L’indépendance et la liberté sont de magnifiques idéaux, mais ils demandent aussi une énergie et une confiance sans faille.